ETRE SOLIDAIRE

Le développement des solidarités nationales

Les premiers à s’organiser en groupe de résistances sont évidemment les détenus allemands pour qui les camps ont été ouverts.  

Ainsi, à Buchenwald, la résistance intérieure se structure vraiment à partir de septembre 1939 quand arrivent les Allemands considérés comme politiquement suspects arrêtés en masse au début de la guerre.

Les SS profitent aussi des dissensions qui persistent entre les détenus allemands. Divisés au moment de la prise de pouvoir par les nazis, les communistes et les sociaux-démocrates allemands le sont souvent encore à la veille de la guerre. 

A Buchenwald, les communistes se méfient des sociaux-démocrates, à Dachau, les communistes ont peu d’influence car ils ont été écartés des postes de responsabilité. 

Dans tous les camps, les dernières réticences sont levées à l’été 1941 et les détenus politiques allemands arrivent à coopérer au nom d’un front antinazi. 
Avec l’internationalisation des camps, les SS doivent trouver des interlocuteurs capables de transmettre les ordres et de leur rendre compte, donc comprenant l’allemand. 

Ils nomment aux postes de responsabilités des Allemands déportés depuis les pays où ils s’étaient exilés après l’arrivée au pouvoir d’Hitler ou des non-Allemands germanophones (notamment des Tchèques et des Polonais). 
Des opportunités se présentent donc pour mettre en place des groupes nationaux en profitant de l’appui de ces fonctionnaires détenus non-allemands. 

Evidemment, tous ne sont pas disposés à venir en aide d’une manière ou d’une autre à leurs compatriotes et beaucoup se révèlent aussi durs et détestables que leurs homologues allemands. 
Les SS savent par les multiples mouchards qu’ils soudoient que les organisations nationales peuvent s’avérer contre-productives pour les détenus. 
En effet, les SS s’évertuent à monter les nationalités les unes contre les autres comme ils ont poussé les droit commun à prendre le dessus sur les politiques. 
Les témoignages des déportés rendent compte de ces animosités, voire de ces haines fondées sur la méconnaissance, le ressentiment ou l’instinct de conservation. 
Dans un premier temps, la tentation a existé de privilégier les intérêts nationaux et de trouver dans le rapprochement avec des compatriotes la protection indispensable à la survie dans le camp. 
Pourtant, dans un second temps, la nécessité d’unir toutes les forces dans un front commun s’est imposée parmi les détenus les plus lucides, les plus résolus et les plus entreprenants.


Témoignage de Jean Villeret
Il parle ici de l'esprit de fraternité.
Lorsqu'il est arrivé au camp de Natzweiller Struthof, il a donné son colis alimentaire à un plus faible que lui : 




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Emile TORNER raconte : 

Nous arrivons à Langenstein, dans un Kommando de travail qui dépend administrativement de Buchenwald .


J'avais une petite montre que j'avais eue pour l'anniversaire de mes dix ans . J'ai enlevé le bracelet. J'ai camouflé cette petite montre que j'ai conservée jusqu'à mon retour en France  ; ce qui a bien fait rire un camarade de mon maquis qui raconte à ceux qui veulent bien l'écouter des décennies après notre retour cette anecdote.


Nous n'avions rien mangé depuis la veille  et je découvre la solidarité du camp: 
on nous apporte la fameuse tranche de pain de solidarité , celle que, sur leur ration , les détenus mettent de coté pour ceux  qui sont malades  ou qui arrivent après quatre a cinq jours sans manger . 


Ce geste  de solidarité , je l'ai découvert , une nuit, lorsqu'un camarade , nous appelions comme cela , entre nous  sous la tente  et nous dit avec la voix tremblotante: «  Camarades , il  y a un convoi de juifs hongrois qui vient  d'arriver dans un état lamentable et je viens pour la tranche de pain de la solidarité. »



Langenstein


 Lorsque nous sommes partis le 13 novembre 1944 pour Langenstein, nous étions 500 dans les wagons bestiaux dont 114 Français .


Dans mon wagon , il y avait un jeune communiste d'une trentaine d'années qui était marin,il s'appelait Joseph Poincenet ( 81689),il y avait un officier soviétique en tenue à qui j'avais dit « soldat »et qui m'avait repris en disant fièrement Offizir , on essayait de baragouiner entre nous nous avons chanté l'Internationale en silence .




Certains prisonniers nous donnaient parfois des épluchures de pommes de terre. 
C'était extraordinaire, mais il fallait leur donner du tabac en échange , cela je ne leur pardonne pas. 


Un jour , je trouve une filière qui donne des pommes de terre contre du tabac. Je fais l'échange et je reçois pas mal de pomme de terre . Je travaillais la nuit , je planque mon butin dans un coin.
Le matin , plus trace de mes pommes de terre , plus rien , j'étais malheureux comme tout. 
A l'arrivée au camp, fouille générale ! 
J'apprends plus tard que ceux qui ont été pris avec des pommes de terre ont du marcher en canard dans la boue toute la journée. 
C'est dire combien les événements pouvaient influencer la vie ou la mort dans le camp. 
Je ne crois pas spécialement en Dieu , c'était une étoile et puis c'est tout.




Je devrais aussi parler de tout ce qui participait de la conservation de l'esprit d'humanité : les discussions philosophiques, les cours donnés par des professeurs déporté à leur camarades, la résistance dont on me parle en secret, ce jour-là est une résistance comme celle que j'ai vécue dans la Creuse , celle des coups de mains contre l'ennemi, des attentats , du soulèvement pour se libérer. 


Cette résistance , pierre Durand explique qu'elle commença par l'élimination des brutes qui, parce qu'elles étaient kapo ( chef de kommando) ou chef de Block , faisaient régner la terreur , bien qu'elles-mêmes détenues, dans le groupe dont elles avaient la surveillance. 


Et elle se termina par la Libération du camp , les armes à la main, le 11 avril 1945.Des armes récupérées après un bombardement allié sur une usine d'armement, la GUSTLOFF , usine qui jouxtait le camp et employait des déportés de Buchenwald.
Grâce a la résistance intérieure de Buchenwald , 904 enfants juifs ont été sauvés.



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A propos de la solidarité des femmes dans les camps, voici un témoignage très simple de Mme M.-J. Chombart de Lauwe,
rescapée de Ravensbruck et Mauthausen.



Comment résister quand on est une femme ?

« A l’arrivée au camp de Ravensbrück, c’est le choc. On est soumis à la déshumanisation, on est un « stuck ». 

A Ravensbrück, il n’y avait pas de grandes organisations collectives. Ça a commencé par des petits groupes de soutien. On a essayé de remplacer les triangles verts par des détenues plus en affinité avec nous.



Comment peut-on contrer les objectifs nazis en subissant leur domination ? Il fallait rester des êtres humains.



C’est donc une solidarité de survie qui s’organise : un camarade qui se trouve dans le bureau du travail nous donne des informations, des vraies, qu’il entend des SS, de leur radio. 

Il nous apporte des nouvelles. On avait réalisé une petite carte pour noter les avancées alliées

On s’étaient organiseés pour faire sortir du camp certaines informations.



On fêtait les anniversaires, on a fabriqué des petits objets, comme un petit mouchoir blanc brodé. On sculptait de petits objets clandestinement pour entretenir le moral.



On récitait des poèmes, on chantait des chansons.
Ces chansons ont été écrites sur des petits papiers qui ont été ramenés. Une opérette a été jouée au Chatelet. Il y avait aussi une chorale clandestine.






Elle raconte comment des médecins S.S avaient pratiqués , sur 75 jeunes polonais de 15 à 25 ans, une expérience odieuse : ils avaient retire un morceaux d'os de la jambe et ils ensemençaient les plaies avec une culture microbienne . Peu avant la libération les S.S. voulurent liquider celles qui avaient survécu .



« Elles étaient dans notre baraque ou nous
étions classées <N.N.>(Nuit et Brouillard ), raconte Mme Chombart de Lauwe. 
A l'appel, nous étions avec un groupe de femmes de l'armée Rouge , des Polonaises et un groupes de Norvégiennes et de Holandaises . 


Quand les nazis sont venus pour emmener
les Polonaises , il y eut quelque chose splendide : un mouvement de foule qui n'a pas permis au S.S. de retrouver nos amies dont nous avions changées de robes et les numéros . Nous les avons cachées pendant les jours qui avaient suivi ."



Pour ce qui est des enfants, des rescapés
ont relaté dans leurs souvenirs 
comment à Ravensbruck, on leur confectionnait des poupées avec des bouts de bois recouvert de misérables morceaux d'étoffe ; 
comment on vola des gants de caoutchouc au médecin S.S. pour faire une tétine de chacun des doigts. 
Tout cela n'aurait pas était possible sans la solidarité internationale qui unissait les détenus.
C'est grâce a elle que, dans certains camps, les Politiques réussirent à supplanter
les droits communs placés par les S.S. aux postes principaux de l'administration du camp. Ils n'y parvinrent qu'au prix d'une lutte parfois sanglante dont leur fraternité fut le ciment et le gage de la réussite.




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Dessin intitulé "Domaine du rêve ...
réalisé par Violette Rougier-Lecoq, réalisé à Ravensbrück, sans date.



On observe une multitude de petites saynètes. Se dégage de ce dessin une atmosphère
d'immense solitude et de détresse.

Pourtant pointent ça et là quelques touches
d'optimisme.

Au premier plan, dans la rangée de droite,
deux déportées sont surprises en pleine confidence.
Dans celle de gauche, quatre femmes discutent à bâtons rompus, preuve qu'en dépit des pires souffrances la solidarité reste possible. 

Donc malgré le dénuement et la tentation de
céder à chaque instant aux instincts les plus bas, les détenus parviennent à maintenir des règles minimales. 

Dans le meilleur des cas, la promiscuité, au lieu de déshumaniser, génère des gestes de solidarité de la part des déportés qui recréent temporairement, dans l'ombre des châlits, des espaces de liberté.  


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Jean Villeret témoigne de sa rencontre fortuite au moment de son arrivée avec un camarade de résistance. Etre avec des personnes connues, ne pas être seul, cela l'a aidé. 






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Objets exposés au musée de la Résistance Nationale de Champigny : 

Pierre Provost est un résistant qui fabrique des faux-papiers à Paris. Il est arrêté et déporté au camp de Buchenwald, où il poursuit ses actes de résistance. Il est affecté à l'usine Siemens qui fabrique les pilotes automatiques des fusées V1. Il sabote la production, et profite des alertes pour fabriquer clandestinement des oeuvres d'art, dont cette médaille. 


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Ici, Jean-Louis STEINBERG raconte l'aide des prisonniers Polonais, qui parlaient le Français, et qui pouvaient traduire les nouvelles :