Dans un univers voué la destruction des corps pour soumettre les
esprits, rester en vie est une lutte permanente.
AVOIR DE LA NOURRITURE
La question de la nourriture est
fondamentale.
Les rations des concentrationnaires sont calculées au plus juste
par les SS.
Entre leur entrée dans le camp et leur distribution aux détenus,
les rations sont diminuées par divers
prélèvements : les SS, les Kapos s’en approprient une part ; les
responsables des cuisines, les chefs de Block, et leur affidés s’attribuent les
meilleures portions ; ce qui reste revient au commun des détenus, les plus
faibles d’entre eux passant après tous les autres.
Les déportés adoptent alors des
stratégies de survie, individuelles et collectives.
Certains n’hésitent pas à
voler tout ou partie de la ration des autres détenus, ou leur gamelle,
indispensable pour récupérer la soupe, ou ce qui en tient lieu.
Chacun
surveille donc ses pauvres biens de la convoitise de ces détenus isolés ou en
bande qui se comportent en prédateur.
Certains autres déportés tentent de
compléter leur ration en participant au marché noir du camp, mais encore
faut-il avoir quelque chose à « organiser », autrement dit à échange,
selon la terminologie concentrationnaire.
Recevoir quelques cigarettes, être
affecté dans un Kommando où il est possible de procéder à des détournements
sans se faire prendre, donnent des opportunités si l’ont sait bien marchander.
Sinon, il reste encore la possibilité de trouver en fouinant tout ce qui peut
se manger, ou plus exactement ce qui peut être avalé, mais rapidement le
périmètre du camp est vidé de tout ce qui peut s’apparenter de près ou de loin
à un produit comestible.
Dans des conditions comme celles-là,
les détenus les plus isolés et les plus fragiles sont vite en danger. C’est
pourquoi la solidarité s’exerce en priorité dans le domaine du ravitaillement.
Face aux détenus qui ont choisi pour tenir d’être des prédateurs, au point de
devenir les complices involontaires des SS ou des Kapos, les autres déportés,
eux, se regroupent en communautés, plus ou moins élargies, afin de se protéger
et de s’entraider.
Quand un détenu perd pied, ses camarades prélèvent une
petite part de leur ration pour lui.
Certains des déportés qui sont affectés
aux cuisines acceptent de faire sortir des vivres, en prenant des risques
personnels car ils peuvent perdre une place qui leur assure de grandes chances
de survie et être sévèrement punis.
Des tentatives sont faites pour instituer
un partage plus équitable des rations à Neuengamme, à Mauthausen, à
Sachsenhausen, sans succès du fait des tensions et des contestations entre
détenus.
Dans les groupes les plus organisés, les rares colis qui sont
distribués à titre individuel sont répartis entre tous.
Cela demande de la part
du destinataire un grand dévouement qui sera compensé lors d’une distribution
de colis ultérieur dont il ne sera plus le bénéficiaire, mais sans être certain
qu’elle aura bien lieu.
A Buchenwald, dans les mois qui précèdent la
libération, le Comité des intérêts français demande à la résistance
internationale du camp que les colis adressés depuis la France bénéficient
aussi aux déportés français et pas seulement à d’autres. La requête finit par être
prise en considération, ce qui améliore la situation des détenus qui peuvent en
profiter.
Quand les détenus disposent d’un
petit sur-plus, ils improvisent une cuisine semi-clandestine dans un coin de la
baraque, derrière le Block ou sur le lieu de travail.
Quelques pommes de terre
pas encore trop pourries peuvent être cuites rapidement dans un récipient
récupéré, en présence des futurs convives, qui surveillent à la fois le repas
et les environs pour repérer l’arrivée éventuelle d’un Kapo ou d’autres détenus
attirés par le regroupement. Souvent, les produits sont consommés crus, parce
que la faim rend vorace, qu’on n’a pas forcement la possibilité de cuire et qu’on
limite ainsi le risques de se faire dérober son bien.
Pour supporter la faim, les déportés parlent
paradoxalement beaucoup de cuisine.
Les Français, réputés dans ce domaine, ne
manquent pas d’imagination. De longues discussions concernaient la préparation
de tel ou tel plat, y compris le choix des vins pour les accompagner. On s’échange
aussi les adresses des meilleurs restaurants...
Les détenus qui disposent d’un
carnet fabriqué et de quelque chose pour écrire notent les indications fournies
avec précision.
Cahiers de recettes de cuisine de Germaine Barjon et de Claude pour Yvonne Lagouët. (coll Amicale de Ravensbrück, dépôt FMD, MRN de Champigny)
Cahiers de recettes de cuisine de Germaine Barjon et de Claude pour Yvonne Lagouët. (coll Amicale de Ravensbrück, dépôt FMD, MRN de Champigny)
Malgré toutes ces stratégies trouvées
pour combattre ou mieux la supporter, la faim demeure une constante redoutable
de l’univers concentrationnaire qui a profondément marqué tous les déportés.
Témoignage de Geneviève MATHIEU, résistante :
Arrivée à Ravensbrück le 21 août.
Matricule 57552.
Il y avait des déportés résistants, et on a mieux tenu que les autres. Je n’ai pas été gazée, donc il fallait tenir.
On nous mettait entièrement nues, il n’y avait plus de robe rayée, on nous donnait n’importe quoi. Ma robe, je ne l’aimais pas, mais elle était longue, donc je la déchirais pour m’en servir de mouchoir, de gant de toilette, de papier hygiénique.
Voici quelques objets que nous avons vus au musée de la Résistance Nationale à Champigny :
Témoignage de Geneviève MATHIEU, résistante :
Arrivée à Ravensbrück le 21 août.
Matricule 57552.
Il y avait des déportés résistants, et on a mieux tenu que les autres. Je n’ai pas été gazée, donc il fallait tenir.
On nous mettait entièrement nues, il n’y avait plus de robe rayée, on nous donnait n’importe quoi. Ma robe, je ne l’aimais pas, mais elle était longue, donc je la déchirais pour m’en servir de mouchoir, de gant de toilette, de papier hygiénique.
Voici quelques objets que nous avons vus au musée de la Résistance Nationale à Champigny :
Fourchette dont le manche est affuté pour servir de coûteau
Gamelle avec sa fourchette
Chaussure
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Il est important aussi de comprendre les ordres donnés en allemand par les SS ou les droits communs.
Témoignage de Jean-Louis STEINBERG :