Les détenus confrontés à la souffrance dans les camps envisagent forcément la possibilité
d’une évasion.
S’évader est une décision individuelle, mais sa réalisation demande souvent des complicités.
Il faut en effet se procurer des vêtements civils, si possible des faux papiers pour espérer se fondre dans la population et échapper aux contrôles, avoir des vivres avec soi pour ne pas avoir besoin de s’en procurer après et s’exposer inutilement : il faut donc se débrouiller pour obtenir ce qui est nécessaire, c’est-à-dire « organiser » sans attirer l’œil des nazis et des mouchards.
S’évader est une décision individuelle, mais sa réalisation demande souvent des complicités.
Il faut en effet se procurer des vêtements civils, si possible des faux papiers pour espérer se fondre dans la population et échapper aux contrôles, avoir des vivres avec soi pour ne pas avoir besoin de s’en procurer après et s’exposer inutilement : il faut donc se débrouiller pour obtenir ce qui est nécessaire, c’est-à-dire « organiser » sans attirer l’œil des nazis et des mouchards.
Les
mesures prises par les SS pour empêcher toute tentative de fuite, dissuadent la
plupart des candidats à l’évasion.
Les clôtures de fil de fer barbelé électrifiées, souvent doublées par une zone minée, et la surveillance des gardiens depuis les miradors sont un premier obstacle à franchir.
Les clôtures de fil de fer barbelé électrifiées, souvent doublées par une zone minée, et la surveillance des gardiens depuis les miradors sont un premier obstacle à franchir.
Généralement,
avoir une connaissance de la région où se trouve le camp augmente les chantes
d’échapper à la traque au fugitif qui suit la découverte d’une évasion.
Les évasions réussies concernent donc d’avantage les détenus engagés avant leur détention dans des organisations de résistance et ceux, originaires du pays où se trouve le camp.
Cependant, en Allemagne et en Autriche, les évadés ont peu de chance de trouver de l’aide, même s’ils parlent l’allemand : la population se méfie de ces individus présentés comme des criminels dangereux pour le nazisme et contribue à leur capture.
En revanche, les actes de compassion et de solidarité sont plus fréquents dans les territoires annexés par l’Allemagne nazie.
Les évasions réussies concernent donc d’avantage les détenus engagés avant leur détention dans des organisations de résistance et ceux, originaires du pays où se trouve le camp.
Cependant, en Allemagne et en Autriche, les évadés ont peu de chance de trouver de l’aide, même s’ils parlent l’allemand : la population se méfie de ces individus présentés comme des criminels dangereux pour le nazisme et contribue à leur capture.
En revanche, les actes de compassion et de solidarité sont plus fréquents dans les territoires annexés par l’Allemagne nazie.
Les évadés
repris sont ramenés au camp, et dans presque tous les cas, sont exécutés par
pendaison après avoir subi les pires tortures pour leur faire avouer les conditions
de leur évasion et les éventuelles complicités à l’intérieur du camp. Ce
spectacle est particulièrement éprouvant pour les détenus qui doivent y
assister et qui voient se dissiper un peu plus l’espoir de s’en sortir vivant.
Malgré
tout, des détenus tentent de s’évader et y parviennent.
Certaines évasions sont
spectaculaires :
le 4 août 1942, cinq détenus du Struthof, réussissent à
s’emparer d’uniformes SS et d’un véhicule dans lequel ils passent le point de
contrôle menant au camp.
Seul l’un d’eux, est capturé et ramené au camp, avant
d’être torturé et exécuté sur la place d’appel du camp, devant les autres
déportés.
Ou lors de la nuit du 3 au 4 novembre 1943, plus de 400 officiers
soviétiques parmi les 1000 enfermés du Block 20 du camp de Mauthausen, éliminent
le chef du Block et ses assistants, organisent une diversion, attaquent les SS
des miradors et franchissent la clôture électrifiée.
Les détenus du Block 20,
résolus à rester, sont massacrés. Quant aux évadés, certains meurent
d’épuisement, ou sont capturés et massacrés. Seuls une dizaine retrouvent la
liberté.
Jean-Louis STEINBERG raconte que les évasions n'étaient possibles que si l'on maîtrisait le polonais.
Dans ce témoignage, il explique aussi sa force morale, son tempérament optimiste et sa formation politique, qui lui ont permis de tenir :
Jean-Louis STEINBERG raconte que les évasions n'étaient possibles que si l'on maîtrisait le polonais.
Dans ce témoignage, il explique aussi sa force morale, son tempérament optimiste et sa formation politique, qui lui ont permis de tenir :
-S’évader
à tout prix
C’était
un camp organisé dont il était aussi difficile de s’évader que d’Auschwitz.
Pourtant Dmitri Volkov avait réussi cet exploit.
De plus, il avait parcouru des
milliers de kilomètres en territoire ennemi avant de pénétrer en Russie et
d’atteindre les rives du Dnierp près de Kiev, toujours occupée par les
Allemands.
Il savait qu’il ne pouvait emprunter le pont
qui enjambait le fleuve, celui-ci étant soumis à d’incessantes patrouilles. Il
n’y avait pas d’autre solution que de nager en pleine nuit jusqu'à la rive
lointaine qu’il ne pouvait même pas voir. Il accomplit ce tour de force et dans
sa joie exubérante, il commit sa première et dernière faute. Il se sentait si
léger d’être à nouveau sur la terre ferme qu’il se mit à gambader dans les
buissons comme une gazelle et se trouva nez à nez avec le canon d’un revolver
allemand.
-
C’était la faute à pas de chance, car le
pauvre type n’était même pas de service. Il était dans les buissons avec une
belle et il l’a pris pour un voyageur !
Rudolf Vrba reçoit des conseils à suivre pour tenter une évasion :
« Et maintenant, je vais te donner
quelques conseils car je sais que tu n’es pas du genre à aller finir aux
chambres à gaz. Tu es comme moi. Tu t’évaderas ou tu mourras en combattant.
-Ne
rien dévoiler
« Leçon n°1 : Ne fais confiance à
personne.
Par exemple ne me dis pas quand ni comment tu vas t’évader. J’ai
aussi mes plans mais je ne t’en dirai rien.
Dès que l’on signalera ton évasion,
ils viendront me trouver, ils t’ont vu me donner du pain.
Et qui sait, sous la
torture je pourrais parler. Je ne le crois pas mais c’est une possibilité avec
laquelle il faut compter, personne ne sait exactement ce qu’il est capable de
supporter.
-Ne
pas se sous-estimer
« Leçon n°2 : N’aie pas peur des
Allemands.
Il y en a beaucoup mais chacun pris à part est tout petit.
Ici à
Auschwitz, ils essaient de te briser, corps et âme.
Ils essaient de te
convaincre qu’ils sont des surhommes invincibles, mais je sais moi qu’ils
peuvent mourir aussi vite que n’importe qui, j’en ai tué suffisamment en mon
temps pour le savoir.
-Se
cacher
« Leçon°3 : Une fois dehors, ne
fais pas confiance à tes jambes, une balle courra toujours plus vite que toi.
Ne leur donne pas l’occasion de tirer. Sois invisible.
Ne te déplace jamais le
jour, c’est le moment de te reposer.
Et assure-toi d’avoir trouvé un endroit
avant qu’il ne fasse jour, pour dormir à l’abri des regards.
-Se
faire discret
« Leçon n°4 : N’emporte pas
d’argent.
Je sais que tu peux en avoir tant que tu veux au Sonderkommando, n’y
touche à aucun prix.
Si tu es affamé, tu seras tenté d’acheter à manger .
Si tu n’as pas d’argent tu ne peux pas.
Vis de l’habitant, vole dans les champs
et dans les fermes les plus isolées et évite les gens.
-S’équiper
pour survivre
« Leçon n°5 : Voyage avec trois
fois rien.
Tu auras besoin d’un couteau et d’une lame de rasoir. Le couteau
pour chasser ou pour te défendre.
La lame de rasoir si jamais on est sur le
point de te reprendre, ne les laisse pas te prendre vivant.
« Tu auras besoin d’allumettes pour
faire cuire ce que tu auras volé. Tu auras besoin de sel parce qu’avec du sel
et des patates tu peux te tenir des mois.
Tu auras besoin d’une montre pour
calculer tes étapes , t’assurer de ne pas être surpris par le lever du
jour. Enfin elle peut te servir de boussole. »
Il m’apprit à le faire.
En un mot il établit
pour moi le manuel du parfait évadé. Il m’expliqua, par exemple, comment je
pouvais tromper les chiens policiers en portant sur moi du tabac russe
préalablement trempé dans de l’essence et ensuite séché.
-L’odeur
les chasse. Souviens-toi, uniquement du tabac russe, insista-t-il, ce
n’est pas du patriotisme. Je ne sais qu’une chose ça ne marche qu’avec de la
« machorka ».
Il me recommanda de ne jamais porter de
viande pendant l’évasion, si je voulais pas attirer les chiens et le dernier
conseil qu’il me donna fut sans fut sans doute le plus pertinent.
-Rester
sur ses gardes
-N’oublie jamais inévitablement que le
combat ne fait que commencer une fois hors du camp.
Reste sur tes gardes aussi
longtemps que tu te trouves en territoire ennemi. Ne deviens jamais ivre de
liberté, comme je l’ai été près de Kiev, on ne sait jamais qui est couché dans
les buissons !
Ce fut une longue instruction étalée sur
plusieurs jours et dès qu’elle fut terminée on ne se parla plus du tout, les
derniers mots de Dmitri Volkov ayant été :
-Il serait plus sage de ne plus nous
rencontrer, on nous a assez vu discuter ensemble et moi aussi j’ai l’intention
de me sauver. Adieu, Rudi, bonne chance. Peut-être qu’on se reverra un jour,
ailleurs !
A ce jour, nous ne nous sommes jamais
revus ; j’espère que Dmitri a survécu à Auschwitz. Si jamais il lit ce
livre, j’aimerais qu’il m’écrive, j’aimerais tellement le remercier.
-Respirer
la vie
J’avais eu, bien sûr, d’autres instructeurs,
mais peu d’entre eux ont survécu. Les erreurs mortelles qu’ils commirent me
servirent de leçons.
Il y eut, par exemple, Fero Langer. Le grand, fort et
joyeux Fero avec qui j’avais joué à un curieux jeu de quilles pour du salami à
Novaky tout au début du périple qui devait me mener à Auschwitz. (…)
-Garder la foi
J’acceptais presque
comme un axiome que tous les gens du camp puissent mourir mais je croyais dur
comme fer que je m’échapperais et je ne me souviens pas d’avoir jamais perdu
cette foi, même en voyant différents essais rater et se terminer par une mort
humiliante.
-Informer
Bien avant que
l’idée ne m’en soit venue, les membres de la clandestinité s’étaient penchés
sur le problème crucial de faire connaître Auschwitz, de révéler ses
secrets et de prévenir les juifs
d’Europe de la signification réelle de la déportation.
Leur but était
totalement désintéressé, ils recherchaient seulement le meilleur plan, le
meilleur moment, la meilleure personnalité.
-Avoir
des amis
Il était presque
impossible de parler évasion avec qui que ce soit.
Dans les conversations le
mot même était évité comme une grossièreté, car les nazis qui n’étaient pas des
naïfs avaient leurs mouchards infiltrés partout, rendant tout projet presque
irréalisable.
De ce point de vue j’avais la chance d’avoir un ami, Fred Wetzler
de Trnava, en qui je pouvais avoir entière confiance. Il occupait au camp une
position particulière. Il était bien avec tout le monde, avec les Allemands,
les détenus ordinaires et ceux qui avaient des postes.
Grâce à sa
popularité, il avait des contacts très variés, toujours utiles et inspirés par
une sympathie authentique et non par la corruption.
Beaucoup se confiaient à
lui non seulement parce qu’ils l’aimaient bien mais surtout parce qu’ils l’estimaient.
Sa connaissance du camp était profonde et étendue.
-Risquer
la peine de mort
Deux juifs français
, un kapo et son assistant, tentèrent de s’évader et furent repris presque
sur-le-champ.
Ils avaient sur eux une miche de pain et cachés dedans des
diamants qui valaient bien dix millions de francs, ils furent aussi envoyés au
block 11.
C’est le
Sturmbannführer Schwarzhuber qui fit le discours précédent l’exécution.
Il nous
sermonna pendant quelques minutes sur ce qui nous attendait si nous suivions
les traces des six misérables, qui se tenait devant nous, mains liées dans le
dos.
Il nous donna la valeur des diamants volés et avec plaisir évident il
annonça : « Avant de mourir sur ces potences, ils vont recevoir
cinquante coups de fouet. »
Un SS s’avança, le
chat à neuf queue à la main. Un par un les prisonniers se penchèrent sur le
chevalet à bastonnades. Pendant un
demi-heure on n’entendit rien que le bruit sourd des lanière sur les chairs.
Ce n’étaient que
les préliminaires, le clou étant la pendaison. Dès que le roulement des grosses
caisses se fit entendre, les deux Français montèrent les marches, le bourreau
travailla vite.
Les trappes s’ouvrirent en claquant contre les côtés de
l’estrade et les horribles contorsions commencèrent.
Au bout de quelques
minutes, les corps pendaient mollement. Nous attendions qu’ils soient décrochés
pour laisser la place aux deux prochaines victimes, nous cuirassant contre ce
spectacle auquel jamais nous ne nous étions habitués même après y avoir assisté
maintes fois.
Rudolf Vrba réussit son évasion, après s'être caché pendant plusieurs jours dans une pile de bois.
Il parvient, avec son camarade Alfred Wetzler jusqu'en Hongrie où il informe de la déportation de centaines de milliers de Juifs Hongrois vers Auschwitz, donc vers la mort.
Rudolf Vrba réussit son évasion, après s'être caché pendant plusieurs jours dans une pile de bois.
Il parvient, avec son camarade Alfred Wetzler jusqu'en Hongrie où il informe de la déportation de centaines de milliers de Juifs Hongrois vers Auschwitz, donc vers la mort.
Alfred Wetzler
Le risque encouru : la pendaison
Il nous sermonna pendant quelques minutes
sur ce qui nous attendait si nous suivions les traces des six misérables, qui se tenaient devant nous, mains liées dans le dos. Il nous donna la valeur des diamants volés et avec un plaisir évident il annonça : "Avant de mourir sur ces potences, ils vont recevoir cinquante coups de fouet."
Un SS s'avança, le chat à neuf queues à la main. Un par un les prisonniers se penchèrent sur le chevalet à bastonnade.
Pendant une demi-heure, on n'entendit rien que le bruit sourd des lanières sur les chairs.
Ce n'étaient que les préliminaires, le clou étant la pendaison.
Dès que le roulement des grosses caisses se fit entendre, les deux Français montèrent les marches, le bourreau travailla vite. Les trappes s'ouvrirent en clanquant contre les côtés de l'estrade et les horribles contorsions commencèrent.
Au bout de quelques minutes, les corps pendaient mollement.
Nous attendions qu'ils soient décrochés pour laisser la place aux deux prochaines victimes, nous cuirassant contre ce spectacle auquel jamais nous ne nous étions habitués même après y avoir assisté maintes fois."